L’ÉNERGIE DANS LE MONDE. SYNTHÈSE.

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1. Introduction.

La question des ressources énergétiques, de leur exploitation et de la consommation d’énergie dépasse largement les frontières nationales pour être maintenant planétaire.

Un commerce énergétique international de plus en plus actif permet la mutualisation mondiale des ressources, compensant ainsi les disparités géographiques. La production d’énergie d’un pays donné peut assurer une partie de ses propres besoins mais rarement leur totalité. A l’inverse une production d’énergie excédentaire constitue une richesse exportable.

Ces échanges portent sur des matières pondéreuses dont les volumes et les tonnages sont considérables. Ils bénéficient de moyens de transport toujours plus puissants et plus efficaces et dont les coûts sont relativement peu élevés dans la chaîne qui va de la production à la consommation finale.

Certaines ressources, encore considérables à vue humaine sont toutefois limitées par définition. Leur épuisement progressif n’affectera pas seulement les pays détenteurs mais l’ensemble du monde.

Les effets éventuellement indésirables – réels ou supposés – résultant de la production et de la consommation d’énergie se manifestent parfois largement au-delà des frontières d’un pays, voire pour certains au niveau mondial.

Les données utilisées sont empruntées à la publication annuelle de British Petroleum (BP) : Statistical Review of world energy, édition 2014, qui comporte des séries longues pour toutes les formes d’énergies, fossiles ou non, ainsi que les émissions calculées de dioxyde de carbone (CO2).

L’unité utilisée pour la production et la consommation d’énergie sera ici la tonne équivalent pétrole (tep), qui permet de comparer et d’additionner les énergies de toutes natures. Même si les équivalences sont parfois discutables et conventionnelles, elles présentent l’avantage d’être utilisées universellement ; on ne les détaillera pas 1.

Les séries de productions en tep ne sont fournies par BP que pour les énergies fossiles. Les séries de consommation en tep sont fournies pour toutes les énergies.

2. Évolution de la production d’énergies fossiles.

Le graphique ci-dessous retrace l’évolution de la production d’énergies fossiles depuis 1980. On voit que le pétrole 2, qui était largement prépondérant jusqu’à l’année 2000, est peu à peu rejoint par le charbon et le gaz naturel, grâce d’une part à la montée en puissance de la Chine pour le charbon, d’autre part à l’exploitation des gaz non conventionnels (gaz dits « de schistes ») notamment aux États-Unis.

Comme les tendances paraissent robustes, il est vraisemblable que d’ici quelques années les trois énergies fossiles seront à égalité de production au niveau mondial.

Malgré quelques fluctuations, la production d’énergies fossiles augmente tendanciellement d’environ 230 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) par an. En 2013, elle était de 11 100 Mtep.
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Le graphique ci-dessous montre comment se répartissait géographiquement la production en 2013.
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Ces trois sources d’énergies ne sont pas interchangeables dans toutes leurs utilisations, et il existe des particularités régionales quant à leur nature (par exemple le Moyen-Orient ne dispose que de pétrole). Cela étant, on voit que toutes les grandes régions du monde sont représentées dans la production, avec une sorte de « prime » à la superficie. A cette aune, il est permis de penser que l’Amérique latine et l’Afrique sont loin d’avoir révélé toutes leurs ressources. Sans parler de la région arctique encore largement inexplorée.

3. Évolution de la consommation d’énergie.

Le graphique ci-dessous retrace la consommation d’énergie depuis 1980, cette fois pour toutes les énergies y compris les énergies « non-fossiles », regroupées pour ne pas alourdir le graphique 3.

L’énergie produite et l’énergie consommée sont pratiquement identiques à tout moment, car l’énergie une fois produite n’est pas stockable sauf exception 4.
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La consommation totale d’énergie augmente tendanciellement d’environ 260 Mtep par an. En 2013, elle était de 12 700 Mtep.

Depuis vingt ans, la part des énergies non fossiles n’a pas significativement augmenté : elle est restée de l’ordre de 13% de la consommation totale. Les graphiques ci-dessous indiquent la répartition en 2013 des consommations d’énergies.
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On voit que les énergies non-fossiles sont très largement dominées par l’hydraulique et le nucléaire.
Le nucléaire a évidemment pâti du tsunami de Fukushima, qui a entraîné la fermeture des centrales japonaises, mais aussi celle, progressive, des centrales allemandes.
Les énergies intermittentes, éolienne et solaire, assurent actuellement 1,3% de la consommation mondiale mais l’éolien progresse assez vivement.

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4. Les émissions de dioxyde de carbone.

Parmi les inconvénients résultant de la production des énergies fossiles, le plus cité est l’émission de dioxyde de carbone (CO2) qui est censé influer défavorablement sur le climat 5.
Les masses de CO2 émises par les sources d’énergies fossiles ne sont pas directement mesurées, mais calculés 6 en appliquant à chaque type de combustible un coefficient d’émission 7 (tonnes de CO2 émis par tep produite). Compte tenu de la répartition actuelle entre les trois énergies fossiles, 1 tonne équivalent pétrole émet environ 3,14 tonne de CO2 8.

Le graphique ci-dessous retrace les émissions calculées de CO2 depuis 1980, ainsi que les productions d’énergies fossiles. Les deux courbes sont évidemment parallèles.

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Les émissions de CO2 dues aux combustibles fossiles augmentent tendanciellement d’environ 700 MtCO2 par an. En 2013, elles étaient de 35 000 MtCO2. Simplement pour fixer les idées, ces 35 000 MtCO2 correspondent (compte tenu des autres sources d’émissions : ciment, cultures et déduction faite des puits de carbone) à environ 2,3 ppmv de plus dans l’atmosphère 9. Selon l’idée que l’on se fait de la poursuite des tendances, on peut en déduire grossièrement l’évolution future de la concentration en CO2.

5. Conclusions.

Les questions énergétiques dépassent très largement les cadres nationaux et même les cadres continentaux, pour s’étendre au monde entier.

La production et la consommation mondiales d’énergie progressent linéairement au rythme moyen de 260 millions de tep par an, ce qui, rapporté à la consommation de 2013, représente + 2% par an, rythme qui n’a rien de déraisonnable. Cette tendance linéaire moyenne est observée depuis près de vingt ans malgré les vicissitudes de la période. Elle est donc relativement robuste et susceptible de constituer un instrument de prospective au moins pour deux ou trois décennies.

Les ressources fossiles sont très largement prépondérantes dans l’ensemble de l’énergie mondiale.

Les populations des pays dits « en développement » aspirent légitimement à la qualité de vie qui est devenue celle des pays développés. Pour satisfaire à cette aspiration et sortir de la pauvreté, ces pays ont besoin d’énergies abordables et fiables que les ressources fossiles peuvent justement leur fournir en abondance et sans délai, soit en utilisation directe, soit comme monnaie d’échange.

Rien ne laisse penser que ces pays puissent renoncer à cet objectif de long terme. Pour y parvenir, ils exploiteront leurs propres ressources fossiles ou se les procureront ailleurs. Les pays développés n’ont ni le droit ni le pouvoir de les en empêcher, alors qu’ils en tirent largement profit directement ou indirectement.

Il est par conséquent vain d’imaginer des « scénarios » de ruptures de tendance pour les décennies à venir. Nous perdrions à ces chimères un temps et un argent précieux qui peuvent être employés de façon plus utile, notamment au bénéfice de ces partenaires encore déshérités.

Il n’est évidemment pas question de pratiquer le gaspillage des ressources. Nos pays développés, comme on le voit d’après les courbes de consommation, en ont pris conscience depuis plusieurs décennies et ont désormais largement adopté des politiques d’économie d’énergie.

Mais il serait tout aussi vain de nous imposer « pour l’exemple », des mortifications dont les résultats seraient manifestement dérisoires à l’échelle mondiale.

1 Les unités utilisées en énergétique se caractérisent par une grande diversité, d’où d’innombrables tableaux de conversions…
2 Les biocarburants ne sont pas inclus dans les énergies fossiles. Voir note n°3
3 Les biocarburants sont cette fois compris dans la consommation de pétrole (65 Mtep en 2013 soit 1,5% du pétrole).
4 Les délais d’approvisionnement sont assimilables à des stocks en mouvement et n’apparaissent pas dans les flux.
5. On ne discutera pas ici le bien-fondé de cette théorie.
6 Ce qui est mesuré est la concentration en CO2 de l’air ambiant, exprimée cette fois en volume (ppmv ou parties par million en volume). Le site de mesure le plus connu est situé à Hawaï (sommet de Mauna Loa).
7 Les coefficients varient selon les types de combustibles et même selon les auteurs ; on ne les détaillera pas ici.
8 Soit π fois pour le moment, moyen mnémotechnique commode. Les émissions sont parfois exprimées en tonnes de Carbone et non de CO2, sachant que 1 tonne de Carbone = 3,67 tonnes de CO2 (rapport des masses moléculaires soit 44 / 12). La confusion est fréquente entre ces deux expressions.
9 Source Carbon Dioxide Information Analysis Center (CDIAC) et mesures de concentration de Mauna Loa, voir note n°6. Environ 1 ppmv pour 15 000 MtCO2 d’énergies fossiles (approximativement et sous toutes réserves).