1/ Origine.
Le texte fondateur de la démarche est la directive 2009/28/CE (23 avril 2009) qui définit les objectifs de l’Union européenne en matière de recours aux énergies dites « renouvelables » en distinguant trois secteurs :
- production de chaleur et de refroidissement ;
- production d’électricité ;
- fonctionnement des transports.
L’objectif commun aux 27 (28) États membres est fixé à 20% d’énergies renouvelables à l’horizon 2020 1.
L’annexe I de la directive définit pour chaque État l’« énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute » observée en 2005, année de référence, et son objectif pour 2020. Cet objectif est qualifié de « contraignant ».
La France s’est vue fixer un objectif de 23% 2 (contre 10,3% en 2005).
L’annexe I définit aussi une « trajectoire » composée de quatre étapes intermédiaires « indicatives », en 2012, 2014, 2016 et 2018, auxquelles les Etats sont censés avoir accompli certaines proportions de leurs objectifs. Chaque Etat est tenu de fournir à la Commission avant le 30 juin 2010 sa propre feuille de route sous forme d’un plan d’action national.
La directive donne un certain nombre de définitions, notamment :
- « énergie produite à partir de sources renouvelables »: une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir: énergie éolienne, solaire, aérothermique, géothermique, hydrothermique, marine et hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et biogaz.
- « consommation finale brute d’énergie »: les produits énergétiques fournis à des fins énergétiques à l’industrie, aux transports, aux ménages, aux services, y compris aux services publics, à l’agriculture, à la sylviculture et à la pêche, y compris l’électricité et la chaleur consommées par la branche énergie pour la production d’électricité et de chaleur et les pertes sur les réseaux pour la production et le transport d’électricité et de chaleur 3.
2/ Le plan d’action national en faveur des énergies renouvelables.
Ce plan, défini en application de la directive pour la période 2009-2020, est largement inspiré de la « programmation pluriannuelle des investissements en production d’énergie » (PPI) rendu public en 2009. C’est un document de 120 pages qui comporte un grand nombre d’informations et de données, notamment des tableaux de séries chronologiques des années 2005 à 2020.
-Le tableau 1 définit une chronique des consommations finales brutes totales en distinguant les trois secteurs : chauffage, électricité, transports (avec une rubrique spéciale pour l’aviation).
Deux scénarios sont présentés :
-un scénario « de référence » (au fil de l’eau) ;
-un scénario « efficacité énergétique accrue » qui prévoit une diminution régulière des consommations totales entre 2008 (165,2 Mtep 4) et 2020 (155,3 Mtep). C’est ce scénario qui est retenu dans toutes les projections suivantes.
-Le tableau 2 fournit pour ce scénario l’objectif en valeur absolue de consommation finale brute d’énergies renouvelables en 2020 : 35,6 Mtep (c’est-à-dire 23% de 155,3).
-Le tableau 3 fournit la chronique des pourcentages d’énergies renouvelables dans la consommation des trois secteurs, qui aboutit aux valeurs objectifs suivantes en 2020 :
-chaleur : 33%
-électricité : 27%
-transports : 10,5%
-Le tableau 4 fournit les chroniques des valeurs absolues de consommations qui aboutissent aux objectifs suivants en 2020 :
-chaleur : 19,7 Mtep
-électricité : 12,7 Mtep
-transports : 4,1 Mtep
(le total de 36,1 Mtep est légèrement différent du chiffre du tableau 2)
-Les tableaux 10 à 12 fournissent les chroniques des valeurs absolues de consommations pour chacun des trois secteurs avec le détail des contributions de chacune des technologies utilisées. Ces tableaux constituent la feuille de route détaillée adoptée par le gouvernement pour fonder sa politique énergétique depuis 2008. Ces valeurs absolues sont calculées en appliquant les pourcentages du tableau 3 aux consommations finales brutes du scénario « efficacité énergétique accrue » du tableau 1.
3/ Avancement du plan d’action en 2012.
Avancement global.
L’année 2012 est le premier « rendez-vous » fixé par la directive pour évaluer l’avancement du plan par rapport à la feuille de route.
Cet avancement est analysé dans le rapport du SOeS (collection « Repères ») intitulé « Chiffres clefs des énergies renouvelables » d’octobre 2014, pages 33 à 42. Le tableau de la page 40 fournit la comparaison entre l’objectif indicatif 2012 et la réalisation ; il est reproduit ci-après (adaptation du tableau original).
On ne détaillera pas ici les différents postes du tableau.
On retiendra que la France accuse un retard dans la réalisation de ses objectifs, qui ne sont respectés en 2012 qu’à raison de :
-97% pour l’électricité (mais 93% hors hydraulique)
-96% pour la chaleur
-94% pour les biocarburants
COMPARAISON OBJECTIFS-REALISATIONS (source SOeS, octobre 2014)
4/ Le cas particulier de l’électricité.
4.1 Les objectifs.
Le tableau 10 fournit, pour le scénario « efficacité énergétique accrue », une « Estimation de la contribution totale (capacité installée, production brute d’électricité) prévue de chaque technologie fondée sur des sources d’énergie renouvelables en France afin d’atteindre les objectifs contraignants de 2020 et la trajectoire indicative pour les parts de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans le secteur de l’électricité de 2010 à 2014 » cette fois en unités électriques.
Le tableau original a été ici simplifié et divisé en deux parties (productions/puissances) pour plus de lisibilité.
A partir de ces deux tableaux, on peut calculer les facteurs de charge pris en compte dans le plan d’action national pour évaluer les puissances installées nécessaires dans l’avenir :
-Hydraulique : 30%
-Solaire photovoltaïque : 14%
-Solaire à concentration : 21%
-Éolien terrestre : 24%
-Éolien offshore : 34%
-Biomasse : 63% à 65%
Les facteurs de charge prévus pour les énergies intermittentes sont un peu supérieurs aux facteurs de charge observés.
4.2 Les réalisations en 2012.
Selon le tableau objectifs-réalisations précédent, les productions réelles en 2012 ont été les suivantes (les écarts sur l’hydraulique ne sont pas significatifs) 5 :
-Éolien : 1 220 ktep soient 14,2 TWh 6 au lieu de 18 TWh (déficit 2012 : 3,8 TWh, réalisation cumulée 79%)
-Solaire : 382 ktep soient 4,5 TWh au lieu de 1,4 TWh (excédent 2012 : 3,1 TWh, réalisation cumulée 329%)
-Biomasse : 491 ktep soient 5,7 TWh au lieu de 6,5 TWh (déficit 2012 : 0,8 TWh, réalisation cumulée 88%)
Le graphique ci-dessous illustre les courbes des objectifs 2005-2020, ainsi que les points des réalisations 2012.
Pour atteindre les objectifs de 2020, le tableau ci-dessous récapitule les productions à réaliser entre 2013 et 2020 et les capacités installées nécessaires à cette production :
Les puissances installées correspondantes sont calculées avec les facteurs de charge de l’éolien terrestre et du solaire photovoltaïque : en effet l’éolien offshore ne sera pas opérationnel avant 2020, et le solaire à concentration n’atteindra à cette date qu’une capacité faible ou négligeable.
4.3 Les réalisations probables en 2013.
On ne dispose pas encore de l’état des réalisations 2013 7 ; il est possible d’ailleurs que la prochaine édition des chiffres clefs des énergies renouvelables concerne l’année 2014, qui est le prochain « rendez-vous » de la trajectoire.
On peut toutefois s’appuyer en première approximation sur les chiffres de production de RTE (pour la France métropolitaine) et les comparer aux chiffres du tableau du §4.1 :
-Éolien : 15,9 TWh (au lieu de 21,9 TWh) : déficit de 6 TWh, la courbe de production réelle continue à diverger de la courbe objectif.
-Solaire : 4,6 TWh (au lieu de 1,8 TWh) : excédent de 2,6 TWh, le solaire serait en passe d’atteindre son objectif 2020 d’ici trois ou quatre ans
-Biomasse : 6,3 TWh (au lieu de 7,8 TWh) : déficit de 1,5 TWh, la courbe de production réelle continue à diverger de la courbe objectif.
Quoique les chiffres puissent différer légèrement selon les modes de calcul, il apparaît que le solaire photovoltaïque continue à être exagérément privilégié, ce qui peut s’expliquer par des tarifs de rachats particulièrement attractifs pour les investisseurs (et par conséquent un coût élevé pour les consommateurs d’électricité).
5/ Conclusions.
On peut constater que, trois années après son lancement effectif, le plan d’action national pour les énergies renouvelables a déjà pris un retard significatif, à une exception notable près, celle du solaire photovoltaïque.
Il est donc plus que probable que les « objectifs contraignants » de 2020 auront les plus grandes difficultés à être respectés par la France 8. On peut d’ailleurs s’étonner a posteriori que, un des objets principaux de la directive étant la réduction des émissions de CO2, il n’ait été tenu aucun compte dans les objectifs des États de l’existence d’un contingent de production nucléaire, ce qui aurait abaissé les objectifs français.
Quant aux perspectives plus lointaines (2025 et 2030) évoquées dans le projet de loi sur la « transition énergétique », il parait plus prudent d’en réserver l’examen au vu des résultats actuels, et compte tenu de ceux des prochaines années.
1 Inutile de dire que cet « objectif » ne répond à aucune analyse scientifique préalable ; c’est si l’on ose dire un « jeu de nombres ».
2 Les objectifs des différents Etat ont été fixés selon la situation de départ (2005) et les ressources disponibles, notamment en énergie hydraulique qui fait partie des énergies renouvelables. Les pays fortement pourvus sont très sollicités (Suède 49%, Finlande 38%,
Autriche 34%), contrairement aux plats pays (Benelux 11 à 14%).
3 Au vu des ordres de grandeur, cette dernière définition ne semble pas inclure la chaleur émise conventionnellement par les centrales nucléaires
4 Mtep = millions de tonnes équivalent pétrole. Ces valeurs sont proches de la « consommation d’énergie finale » des bilans énergétiques publiés annuellement par le SOeS (et qui ne concernent que la France métropolitaine).
5 Les chiffres sont légèrement différents de ceux du bilan RTE. On se contentera de ces ordres de grandeur.
6 1 ktep = 11,667 GWh
7 A ce sujet, on peut être surpris qu’il ait fallu attendre octobre 2014 pour connaître les chiffres « officiels » de 2012.
8 Le rapport du SOeS d’octobre 2014 donne des indications sur l’avancement des autres États de l’Union européenne, mais pour l’année 2011 seulement. Il apparait que le Royaume-Uni (objectif 2020 : 15%) et le Benelux (objectifs 2020 : 11 à 14%) étaient
encore plus en retard que la France.