1/ Introduction.
Lorsqu’on parle du « réchauffement climatique » devenu progressivement et insidieusement « changement climatique » 1 2 il s’agit le plus souvent de phénomènes globaux s’appliquant, soit à la terre entière, soit à de vastes ensembles : hémisphères, terres, océans, pôles, tropiques etc. Plusieurs organismes tiennent ainsi à jour des séries de températures, basées depuis 1979 sur des mesures satellitaire (recoupées grâce à des mesures par ballons sondes ou autres). Certains de ces organismes ont raccordé les séries modernes à des séries thermométriques terrestres antérieures à 1979.
On dispose ainsi de chroniques de températures « globales » depuis le milieu du XIXème siècle environ. A défaut de valeurs absolues indiscutables, ces chroniques donnent au moins une idée des fluctuations tendancielles de températures depuis plus d’un siècle et demi.
Le discours dominant fait référence à un « changement climatique » global, dont on dénonce les effets actuels, ou dont on redoute les effets futurs. Mais la traduction locale à l’échelle plus concrète d’un pays ou d’une région déterminés, voire à son propre cas personnel 3 est moins assurée.
Cependant, la presse et l’opinion publique ont maintenant tendance à incriminer le changement climatique au sujet de tout phénomène météorologique qui s’écarte de la normale 4 . On peut trouver au moins deux raisons psycho-sociologiques à cette attitude : en matière de météorologie, l’amnésie est la règle générale 5 ; et la référence « au » changement climatique est une explication bien commode aussi bien pour les responsables que pour les victimes 6.
2/ Les températures en France. Source des données utilisées.
On a rassemblé ici quelques éléments factuels concernant les températures et leurs évolutions sur le territoire français métropolitain. Ces données proviennent de l’un des sites de la NASA américaine, le GISS (Goddard institute for space studies) 7.
Le GISS publie des séries mensuelles de températures observées grâce à des centaines de stations météorologiques réparties dans le monde entier et dont les résultats lui sont transmis en temps réel par les instituts nationaux. L’accès en est libre et gratuit.
Pour la France, le GISS recense une vingtaine de stations, dont deux présentent des séries presque continues de 1880 à 2014 (Nantes et Genève), et huit autres de 1949 (ou 1951) à 2014. Les séries des autres stations sont incomplètes ou plus récentes. On examinera ci-après le cas des dix stations dont les séries sont exploitables.
3/ Les séries longues de Nantes et Genève
Ces deux stations sont très éloignées l’une de l’autre (600 km), très différentes par l’altitude (respectivement 0 m et 400 m) et le climat (respectivement atlantique et continental). Voici les deux séries représentées sur le même graphique 8. Pour mieux comparer leurs évolutions, on a aussi fait figurer en pointillés la série Genève augmentée de 1,7°C, valeur approximative de la différence moyenne de températures entre ces deux stations.
(l’année 2014 a été extrapolée à partir des neuf premiers mois)
Malgré l’éloignement et la différence des températures moyennes entre les deux stations, on ne peut manquer d’observer une certaine similitude d’allures entre ces deux courbes. Beaucoup de pics ou de creux notables de températures coïncident, par exemple ceux des années 1891, 1893, 1899, 1921, 1941, 1956, 1963 et 2003.
A vue d’œil, les températures semblent avoir augmenté lentement entre la fin du XIXème siècle et 1945-1950 environ, diminué entre 1945-1950 et 1980-1985, puis augmenté à nouveau assez rapidement jusque vers 1990 environ. Depuis lors, la tendance semble être à une certaine stabilité.
Ces tendances générales sont altérées par des écarts de températures qui peuvent, d’une année à l’autre, dépasser 1°C voire 1,5°C, ce qui rend difficile la lecture et l’interprétation des graphiques. Cette remarque est d’ailleurs générale comme on le verra.
Par-delà toutes ces fluctuations, on constate que la température de ces deux stations aura augmenté d’environ 0,5 à 1°C entre 1880 et aujourd’hui 9 , ceci grossièrement en deux phases 10.
4/ L’ensemble de dix stations.
On prendra comme origine l’année 1951 à partir de laquelle toutes les stations sont renseignées (sauf Brest pour les cinq premières années). Ces stations sont implantées sur des aéroports, ce qui les soustrait en principe à l’influence de l’urbanisation 11. Elles couvrent à peu près l’ensemble du territoire national, sauf le nord de la France (voir plus loin le cas de Lille) et toutes les zones climatiques régionales 12.
On a rassemblé sur un graphique unique les séries de ces dix stations. La courbe en rouge représente la moyenne arithmétique des températures annuelles des dix stations (sans pondération).
Comme on l’a déjà observé, les pics et les creux de températures coïncident (voir par exemple les années des rudes hivers de 1956 et 1963 et les canicules de 1982, 1990 et surtout 2003). Il en résulte que la courbe moyenne est aussi irrégulière que ses composantes; comme on peut le vérifier plus clairement ci-dessous.
5/ La détermination des tendances.
Cette question est délicate. Le logiciel Excel permet de tracer des courbes de tendances, avec différentes possibilités : linéaire, polynomiales de degré 2 à 6, etc. Ce qui pose trois types de problèmes : d’abord le choix de l’année origine 13. ; ensuite le choix du genre de courbe ; enfin le degré des courbes polynomiales (l’allure de la courbe n’est pas la même selon le degré, et peut conduire à des conclusions différentes).
La courbe linéaire est le plus souvent utilisée en première approximation ; elle présente l’avantage de la simplicité, et celui d’être unique en son genre contrairement aux polynomiales.
Ce sont ces « courbes » de tendance, en fait des droites, que l’on utilisera ici ; elles sont figurées en tiretés sur les graphiques ci-après.
6/ Détermination d’une période de « stabilité » des températures.
Pour nourrir le débat sur un réchauffement récent éventuel et sur ses effets supposés, il est intéressant, en prenant pour base la dernière année connue et en remontant dans le temps, de rechercher quelle est l’année la plus ancienne à partir de laquelle la droite de tendance des températures est horizontale, c’est-à-dire depuis quelle date la température moyenne oscille autour d’une valeur stable 14.
Pour la moyenne des dix stations considérées précédemment, la réponse est donnée par le graphique ci-dessous : la droite de tendance est horizontale entre 1989 et aujourd’hui, soit depuis 25 ans.
On remarque que les écarts de températures annuelles autour de la valeur centrale (12,3°C) peuvent aller de –0,7°C à + 0,9 °C selon les années, avec une distribution qui semble totalement aléatoire.
Il se trouve que cette période est aussi celle durant laquelle les préoccupations concernant un réchauffement global ont pris naissance et se sont développées (ceci en grande partie sous l’influence du GISS).
7/ Tendances par stations.
Au-delà de la moyenne, on peut alors examiner station par station comment les températures ont évolué.
Le graphique ci-dessous en fournit le détail. On a cette fois incorporé une onzième station, celle de Lille dont la série GISS ne commence qu’en 1991 ; la couverture du territoire est ainsi complète.
On voit que durant cette période, la « stabilité » de la température annuelle moyenne a résulté d’augmentations et de diminutions qui se sont compensées.
Au passage, notons que la différence de températures moyennes entre Marseille et Lille (ou Strasbourg) est de l’ordre de 5°C, ce qui constitue une amplitude notable.
En complément, on a recherché pour chacune des stations les dates à partir desquelles les températures ont commencé à osciller autour d’une valeur stable : en résumé on trouve 1985 pour Nantes, 1992 pour Strasbourg et Toulouse, et des dates intermédiaires pour les huit autres stations. Ce qui fait au minimum vingt-deux ans de « stabilité » pour toutes les stations sans exception.
8/ Tendances par saisons.
Toujours pour la même période, on a examiné comment les températures moyennes, pour l’ensemble des dix stations, ont évolué lors de chacune des quatre saisons météorologiques 15.
Mis à part quelques chevauchements entre les deux courbes des demi-saisons, printemps et automne, les températures de ces quatre périodes saisonnières sont bien caractérisées. Entre l’été et l’hiver, il y a une différence de 15°C.
En 25 ans, la température de l’été est restée stable ; celle du printemps a très légèrement augmenté, enfin l’automne a gagné 0,8°C et l’hiver a perdu 0,8°C 16 (quoique l’hiver 2013-2014 ait été particulièrement clément).
Les dispersions autour des moyennes saisonnières peuvent être encore plus prononcées que celles autour des moyennes annuelles qui dans une certaine mesure amortissent les écarts saisonniers.
On peut évidemment continuer à raffiner les observations en distinguant les évolutions mois par mois, et station par station.
9/ Les maxima et minima journaliers.
Jusqu’à présent, on s’est intéressé aux moyennes (annuelles, saisonnières, mensuelles) des températures journalières moyennes. On peut aussi considérer les moyennes des températures journalières minimales et maximales.
On peut trouver ce genre de données sur le site d’un autre organisme international, géré par le KNMI néerlandais : European climate assessement and data, ECA&D. Cet organisme publie des séries longues concernant notamment le régime des vents, l’évapotranspiration, la pluviométrie et les températures.
Pour la France, ECA&D tient à jour les séries d’environ 45 stations (une trentaine d’autres ont été arrêtées en 2000). Parmi les stations actives, on a sélectionné les 4 qui sont communes avec celles du GISS étudiées précédemment, plus 8 autres, de façon à obtenir une représentation à peu près complète du territoire 17.
On a représenté ci-dessous les courbes obtenues depuis l’année 1956, date à laquelle les douze séries sont à peu près complètes (l’année 2014 n’est pas encore enregistrée).
Et pour la période 1989-2013 déjà envisagée :
Les écarts autour des moyennes journalières sont systématiquement de plus ou moins 4°C ;ces écarts n’évoluent pas au fil des années, et ne présentent aucune dérive visible.
Il s’ensuit que les courbes obtenues présentent une sorte de parallélisme, donc que les températures minimales et maximales journalières obéissent à des tendances tout à fait analogues à celles des températures moyennes journalières.
10/ Conclusions.
Dans la présente note, on a choisi de s’intéresser à un certain nombre de stations météorologiques disséminées sur le territoire français métropolitain et pour lesquelles on disposait grâce au GISS et à ECA&D de données continues de températures sur longues et moyennes périodes. Ces stations sont représentatives des différentes zones climatiques du territoire français. On a pu en tirer quelques enseignements 18.
On a pu notamment établir que, depuis environ vingt-cinq ans, les températures manifestaient une certaine stabilité tendancielle, quoiqu’autour des droites de tendances moyennes, les écarts d’une année à l’autre soient notables et aléatoires.
On a pu caractériser nettement les courbes de températures moyennes :
- selon les stations météorologiques : différences de 5°C entre le sud et le nord et l’est de la France,
- selon les saisons : différence de 15°C entre l’été et l’hiver pour la moyenne des stations,
- selon les minima et maxima journaliers, qui s’écartent de plus ou moins 4°C des moyennes journalières.
Ces quelques observations surtout graphiques peuvent sembler primaires voire naïves, et faire sourire les spécialistes. Mais les auteurs de très nombreux articles et études spécialisées ne font autre chose que de scruter et de triturer les courbes de températures les plus diverses pour tenter de trouver des corrélations et des tendances. Dans ces études, les hommes de science n’hésitent pas à recourir aux rustiques tendances linéaires.
En outre, les imperfections des appareils de mesure, le fait qu’ils puissent être modifiés ou même déplacés au fil des années, la sensibilité au choix des dates initiales et finales des séries observées, etc. constituent autant d’incertitudes et d’approximations. De ce fait, les subtilités statistiques et analytiques semblent assez disproportionnées par rapport au sujet, alors que de simples traitements graphiques, directement compréhensibles par tous, permettent déjà des enseignements intéressants.
En fin de compte et sauf preuve du contraire, il n’a été constaté au moins durant les vingt-cinq dernières années aucun changement notable, manifeste et indiscutable dans l’évolution des températures nationales et régionales.
Au moins sur le territoire français métropolitain, l’attribution de tel ou tel phénomène météorologique à un « réchauffement climatique » généralisé et récent relève de l’ignorance, de l’illusion ou éventuellement de la mauvaise foi.
Ce genre d’attribution hâtive et indue ne favorise pas la recherche des véritables causes des phénomènes (avec toutes les conséquences qu’ils entraînent) et nuit par conséquent au progrès des connaissances.
1 Les Anglo-saxons parlent de « global warming » ou plutôt maintenant de « climate change ».
2 Il semble en effet que la température moyenne du globe, après avoir augmenté par paliers successifs depuis la fin du « petit âge glaciaire » (vers 1850) se soit tendanciellement stabilisée depuis quinze ou vingt ans.
3 Il serait intéressant lors d’une enquête sur le sujet de poser la question : « avez-vous, vous-même, dans votre vie quotidienne, ressenti ou observé le changement climatique ? » ; « en quelles occasions ? » ; « il y a combien de temps ? » et « qu’avez-vous ressenti ou observé au juste ? (avec QCM) », etc.
4 Aux siècles passés, les Chamoniards se mettaient en prière pour solliciter de la puissance divine l’interruption de l’avancée menaçante du glacier des Bossons ; nous ne sommes peut-être pas totalement sortis de ce comportement « magique ».
5 Rappelons-nous Gustave Flaubert : « Eté : toujours exceptionnel, voir : Hiver » (Dictionnaire des idées reçues, vers 1870). Cette amnésie s’applique aux évènements, mais aussi aux prévisions des climatologues et météorologues, heureusement pour eux.
6 Les médias ne manquent pas de harceler les météorologistes à ce sujet à chaque évènement notable : les plus honnêtes répondent
qu’on ne peut établir aucune corrélation ; mais, de guerre lasse ou de propos délibéré, leur défense est souvent molle…
7 http://data.giss.nasa.gov/gistemp/station_data/ .Sauf erreur, on ne trouve rien de la sorte sur le site de MétéoFrance.
8 Les stations météorologiques ont été définitivement installées sur les deux aéroports dans les années 1920.
9 C’est à peu près l’augmentation de température « globale » telle qu’elle résulte des courbes du Hadley Center, quoique les fluctuations ne présentent pas les mêmes allures.
10 Le « plongement » des années 1890 correspond à plusieurs hivers particulièrement rigoureux que les peintres impressionnistes ont immortalisés.
11 Phénomène connu sous le nom d’ « ilot de chaleur urbain » en anglais « urban heat island ».
12 En particulier les huit zones définies par la réglementation thermique RT 2012.
13 Les climatologues s’accusent mutuellement de « cherry picking », c’est-à-dire de choisir des dates qui arrangent leurs thèses.
14 C’est le genre de raisonnement qui a conduit à remarquer que la température mondiale « globale » est restée stable depuis 18 ou 19 ans, ce dont tout le monde semble maintenant convenir, même si les interprétations diffèrent.
15 Les saisons sont définies ainsi : mars-avril-mai le printemps, juin-juillet-août l’été, septembre-octobre-novembre l’automne ; l’hiver se compose conventionnellement du mois de décembre de l’année n-1, janvier et février de l’année n. L’hiver 2014 est donc déjà connu.
16 Ce qui devrait rassurer – globalement – les gestionnaires des stations de sports d’hiver…
17 A savoir : Genève, Toulouse, Strasbourg, Limoges, plus Saint Quentin, Rouen, Châteauroux, Orléans, Rennes, Nîmes, La Rochelle, Mont de Marsan.
18 Il existe certainement ailleurs d’autres séries de températures qui pourraient conforter ou contredire partiellement ces enseignements à des niveaux plus locaux. Mais la répartition spatiale et la durée temporelle des séries étudiées sont suffisantes pour constituer un échantillon significatif à l’échelle du territoire.